Mélissa Guillemette
Le Reflet, 3 janvier 2009
L'Exporail a reçu les vétérans de Canadiens l'espace d'un tournage.
Photo - Judith Cailhier
SAINT-CONSTANT - Un wagon de train du Musée ferroviaire canadien s’est transformé en point de rencontre pour des étoiles du hockey des années 1940 et 1950 le 19 décembre.
Les anciens joueurs participaient à un tournage pour le Musée des communications et d’histoire de Sutton, qui prépare une exposition pour faire revivre au public l’époque où le tricolore se déplaçait en trains. Les capsules tournées défileront dans un téléviseur noir et blanc dans la salle d’exposition.
Le wagon Neville, conservé au musée de Saint-Constant, est identique au souvenir de Norm Dussault qui a joué pour le Canadien entre 1947 et 1951. L’homme de 83 ans y a passé beaucoup de temps puisque le plus court des trajets était celui entre Montréal et Boston et durait huit heures.
«C’était long, mais ça ne paraissait pas, se souvient M.Dussault qui empochait 7 000 $ par an à l’époque. On s’occupait, on faisait tout pour se désennuyer. Par exemple, deux gars se pognaient par les cheveux et c’était celui qui jetait l’autre à terre. Je n’étais pas gros, moi, je n’avais pas de chance! On avait du fun dans ces trains-là.»
Gerry Plamondon, qui a joué pour le tricolore entre 1945 et 1951, garde aussi de bons souvenirs. «On jouait au cœur toute la journée.»
Bob Fillion, lui qui a porté le chandail bleu, blanc, rouge de 1943 à 1950, mentionne aussi les magouilles illégales qui s’y tramaient. Le train arrêtait alors à Sutton pour que les bagages soient inspectés avant de passer la frontière américaine ou de rentrer à Montréal. «Les joueurs cachaient des cigarettes américaines pour leurs amis», raconte-t-il au Reflet, un paquet de cartes de hockey à son effigie dans les mains.
Le réalisateur de la vidéo et membre du conseil d’administration du musée de Sutton, Richard Leclerc, a entendu plusieurs histoires cocasses au cours du tournage à Saint-Constant.
«Les joueurs aimaient se jouer des tours à bord du train. Ils m’ont entre autres parlé du hot foot. Quelqu’un coinçait un carton d’allumettes entre la semelle et le soulier d’un joueur et l’allumait pendant qu’il jouait aux cartes. Le joueur finissait par avoir chaud aux pieds… Ils ont brûlé plusieurs souliers comme ça, il parait!»
Il a aussi entendu parler des initiations des recrues, «mais les hommes sont restés discrets sur le sujet. Ça semblait parler de rasage de certaines régions du corps, alors que le train était en mouvement, donc que ça brassait. Il a dû y avoir des coupures!»
La frousse
En train, Montréal-Chicago se faisait en vingt heures. Lorsque les joueurs arrivaient trop à la dernière minute pour une partie à Chicago, la police les escortait à travers la ville.
«On était toujours en retard, donc on nous sortait du train à 20 milles du stade et on roulait de l’autre côté des tramways avec la police et leurs sirènes pour sauver du temps», raconte Gerry Plamondon, l’un de rares joueurs des Canadiens à avoir reçu trois étoiles au cours d’un même match.
Son énorme bague de la coupe Stanley au doigt, il raconte que son collègue Bill Durnan, gardien de but de l’époque, avait eu une incroyable frousse à rouler si vite dans la ville. «Il a eu tellement peur qu’il a mangé son billet de train!»
Émile «Butch» Bouchard, 89 ans, a lui aussi eu la peur de sa vie sur la route. «On a manqué de tomber en bas d’un pont une fois, raconte l’homme venu témoigner. Le train allait dérailler!»
Vie de famille
Gerry Plamondon assure qu’il dormait bien dans les lits superposés. «On se couchait tellement fatigués qu’on dormait tout de suite.» Les recrues occupaient les lits du haut, alors que les vétérans dormaient dans les lits du bas. «Il n’était pas question qu’on laisse l’échelle pour m’aider à descendre. Maurice Richard, qui dormait en-dessous de moi, aurait pu se frapper la tête dessus», dit-il.
Outre le tronçon entre Détroit et Chicago, où seuls des sandwichs étaient servis, la nourriture, «c’était le best» à bord des wagons. «On nous donnait 14 $ par jour pour manger dans les dinners, et en plus, le steak était payé avant la partie», se souvient M. Plamondon.
Richard Leclerc a constaté que les voyages en train rapprochaient les joueurs à l’époque. «Ils sortaient d’un match et embarquaient tous dans le train pour aller en jouer un autre. Ils étaient donc toujours ensemble. Forcément, ça soudait l’esprit d’équipe.»
Gerry Plamondon ajoute que c’était plus qu’une équipe, «c’était comme une famille»! Phil Goyette et Elmer Lach étaient également présents pour le tournage.
Les joueurs des Canadiens ont commencé à prendre l’avion dans les années 1960. Six nouvelles équipes s’étant ajoutées à la ligue nationale en 1967, aussi loin qu’en Californie, prendre le train s'avérait parfois impossible.
L’exposition Le Canadien passe par Sutton se tiendra les samedis et dimanches, jusqu’au 29 mars, au Musée des communications et d’histoire de Sutton.
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